dimanche 26 avril 2020

Henri Pitot et l'aqueduc Saint-Clément

Avec l'aimable autorisation de Fabrice Bertrand, administrateur de la page Montpellier, patrimoines, histoire et souvenirs

Dernier volet que nous consacrons à la vie et l'oeuvre d'Henri Pitot, avec cette fois-ci un projet vraiment lié à notre ville, et que nous admirons tous, l'aqueduc Saint-Clément...
Le 13 décembre 1751, le conseil général et renforcé de la ville de Montpellier, délibère de faire conduire l'eau des fontaines de Saint-Clément sur la place royale du Peyrou, le point le plus élevé de la ville. L'affaire est d'importance ! A tel point d'ailleurs, qu'un registre dédié à cette question est ouvert : toutes les délibérations devront y être consignées.
L’ingénieur de ce colossal ouvrage qui ne nécessite pas moins de 14 kilomètres de canalisations tant souterraines qu’aériennes est Henri Pitot, l'hydraulicien de premier rang, enfant du pays, mais parisien de carrière et académicien et qui a offert ses services à la province des Etats de Languedoc.
Entre tous les projets proposés, les Etats et la ville de Montpellier, choisissent celui qui place le dernier tronçon de l’aqueduc, que l'on appellera les Arceaux, dans l’axe de l’entrée triomphale de Daviler, la porte du Peyrou. Comme on peut s'en douter, il s'agit d'un projet visant à fournir l'eau aux montpelliérains, mais également à embellir la place royale et à participer à l'embellissement de la ville de Montpellier.
C'est avec cette idée, qu'Henri Pitot présente un mémoire aux consuls de Montpellier le 8 janvier 1752 puis au Roi le 11 avril 1752. Plus de dix longues années sont nécessaires pour parvenir à mener à bien cette mission et encore, il dut attendre bien plus pour voir l'aqueduc parfaitement relié à la place royale du Peyrou par les derniers arceaux le reliant au château d'Eau.
Mais se posait la question de la propriété de la source. En effet, elle appartenait à un particulier, un puissant personnage, messire Duvidal de Montferrier, qui était syndic de la province, mais en même temps président de l’Académie des Sciences de Montpellier, messire Duvidal de Montferrier. Ne pouvant rien refuser à la province ni à la ville de Montpellier, il cède gratuitement à cette dernière la propriété de sa source et l’autorise à traverses ses terres. En contrepartie de cette autorisation, fort généreuse il est vrai, il obtient pour son hôtel particulier de la rue de l'Aiguillerie, une concession d’eau gratuite et perpétuelle qui ne fut pas même abrogée durant la Révolution.
Pitot se résout à revoir en profondeur le projet de messire de Clapiès afin de réduire au maximum les ouvrages d’art à créer et d’éviter les terrains au sol meuble qui auraient nécessité d’importants travaux de terrassements. C'est alors qu'il décide d'emprunter le modèle de construction du Pont du Gard qu’il connait bien puisqu’il avait adjoint à ce fameux aqueduc antique un second pont permettant une circulation plus aisée entre les deux rives du Gardon.
Les travaux de l’aqueduc montpelliérain débutent en juin 1753 et ne s’achevèrent réellement qu’en décembre 1765. Il s’agit comme nous l’avons dit de relier la source de Saint-Clément à la ville de Montpellier, et plus précisément à la place royale du Peyrou sur laquelle il envisageait la création d’un simple bassin. Le château sera construit quelques années plus tard et intégré dans un plus vaste projet sur lequel nous nous étendrons dans un prochain article. Le tracé proposé n’est pas si simple à mettre en œuvre puisqu’il sur un relief assez accidenté dans sa première partie. Il fallait donc créer conduite des conduites aériennes mais également souterraines, envisager des équipements de surveillance et d'entretien. L’aqueduc réalisé mesure au final un peu moins de 14 kilomètres, 13904 mètres exactement. La partie aérienne de ce projet qui forme le tout dernier tronçon se compose de 51 grands arceaux de 8 mètres d’ouverture dont 14 reposent directement sur le sol. Sa longueur est de 880 mètres et sur la place des Arceaux, sa hauteur moyenne est de 22,55 mètres. Mais en dépit de tous ces obstacles, Henri Pitot parvient à mener à bien ce projet.
Le 7 décembre 1765, la population montpelliéraine se masse sur la place royale pour entendre le bruissement de l’eau pure et douce de Saint-Clément. Mais le précieux liquide se fait attendre. L’archevêque de Narbonne, président né des Etats, fait alors preuve d’impatience et adresse à messire Pitot une violente incise : Monsieur le mécanicien, on m’affirme que les eaux de Saint-Clément ne monteront pas jusqu’ici. L’Académicien amusé répond alors : Il est vrai monseigneur, elles ne monteront pas, elles descendront. Et sur ces paroles, alors que les opposants à Pitot et au projet d’aqueduc sont très heureux de voir l’impatience gagner l’assistance, l’eau aboutit enfin dans le bassin du Peyrou. Pitot vient ainsi d’apporter l’eau dans la ville et de rendre à Montpellier un immense service moyennant la somme empruntée de 1.000.000 de livres due à de nombreux dépassements de budgets.
Le château majestueux, que tout le monde connaît aujourd'hui sous le nom de "Temple des Eaux" ne sera construit que bien plus tard toujours à l’initiative des Etats du Languedoc qui lanceront un concours et en confieront l’examen des projets à un jury d’académicien. Cette commission retint les dessins de Giral et de Donnat représentant un réservoir belvédère accessible par deux montées latérales arrondies. Il faut bien voir derrière cette volonté esthétique la volonté de la part des Etats du Languedoc de marquer une certaine forme de domination sur l’espace régional car certes depuis le Peyrou on peut dominer l’ensemble de l’espace environnant et même apercevoir les pics des Alpes et des Pyrénées par temps clair, mais encore les Cévennes et autres massifs régionaux. La ville continua les frais liés à l’arrivée de l’eau en ville puisqu’elle fit réaliser trois fontaines monumentales à l’intérieur de ses murs. La célèbre fontaine des Trois Grâces, la fontaine aux licornes et la fontaine dite des Etats.
L’arrivée à gros bouillons de l’eau dans les villes languedociennes entraine un nouveau rapport à l'urbanisme et à la mise en valeur de l'espace urbain. L’eau devient porteuse de messages, elle sera magnifiée à l’aide de grandes fontaines, pour la plupart monumentales.

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