mardi 14 avril 2020

Avant Henri Pitot et l'aqueduc : l'eau à Montpellier

Avec l'aimable autorisation de Fabrice Bertrand, administrateur de la page Montpellier, patrimoines, histoire et souvenirs

Afin que vous puissiez bien appréhender l'importance de cet ouvrage, et l'apport que cet aqueduc constitua pour les montpelliérains de la seconde moitié du 18ème siècle, nous avons pris la décision de vous présenter le contexte de cette création, et sa nécessité.
Traiter du rapport de la ville et l’eau en Languedoc sous l’Ancien régime est un sujet passionnant comme chacun d’entre vous peut s’en douter. Cette question nous ramène aux images bien connues et célébrées par Pagnol, de ces fontaines asséchées et de ces œillets fanés, à une vénération quasi religieuse qui pourrait presque rappeler celle des populations celtiques à l’égard de cet élément naturel. Sous l’Ancien régime, il suffisait qu’une fontaine ne donna plus qu’un mince filet d’eau pour que soit conséquemment organisée une procession religieuse conduite par les prêtres de la paroisse sur les pas desquels marchaient les Pénitents de toutes couleurs. Leurs chants et cantiques apparaissaient comme le meilleur remède pour une communauté qui tentait de comprendre pourquoi Dieu lui infligeait une si cruelle privation.
Ainsi, depuis des temps immémoriaux, les populations agglomérées recherchaient le moyen d’assurer leur autonomie en eau. Il en allait de leur propre survie mais également de la perpétuation des structures économiques qui assurait la prospérité économique de la cité. Nous ne devons pas oublier que pendant bien longtemps, l’eau était une denrée rare. En effet, la plupart des villes languedociennes parvenaient à assurer un semblant d’autosuffisance en matière d’eau grâce aux vestiges des équipements développés durant l’Antiquité. Les communautés villageoises se montraient ainsi très précautionneuses pour l’entretien des puits. Chaque année, et quand le besoin s’en faisait sentir, les consuls engageaient des fontainiers pour curer les puits et nettoyer les rares fontaines publiques.

Montpellier, ville trop jeune, pour avoir connu les apports technologiques de la civilisation romaine, mais qui au 13ème siècle était une des premières villes du royaume de France par sa population disposait d’un approvisionnement en eau assez médiocre. Quelques puits particuliers, agrémentés de quelques fontaines et puits publics offraient la possibilité d’une autosuffisance médiocre à ses habitants.
Depuis la période médiévale, la ville de Montpellier s’alimentait à l’aide de puits creusés directement dans la nappe phréatique qui était assez peu profonde et par la même nécessitait peu de travaux de creusement. Un rapport dressé en 1894 par le docteur Blaise signalait que Montpellier comptait plus de 827 puits déclarés à la police. C’était sans compter ceux qui n’avaient pas été répertoriés. Un tel chiffre valait à notre ville, selon le docteur Blaise, le surnom de ville des puits. Mais cette situation était assez critique. Il arrivait bien souvent que ces eaux soient polluées et provoquaient d’assez importantes épidémies. Pour en assurer la protection, à Montpellier,
A côté de ces sources d’alimentation privées, jalousement protégées, existaient les fontaines publiques, qui pour la plupart étaient situées au niveau des portes de ville. On en dénombre un petit nombre, notamment celles du Pila Saint-Gély, qui fournissait la meilleure eau de la ville, ou encore celles jumelles de la porte de la Saunerie au bas de la Grand-Rue.
Dans cette même cité, tout comme dans la plupart des grandes agglomérations languedociennes, un règlement municipal obligeait les particuliers à fermer l’ouverture de leurs puits de sept heures du soir jusqu’à quatre heures du matin à l’aide d’un couvercle de bois. On redoutait en effet l’empoisonnement des puits, qui communiquant les uns avec les autres aurait pu contaminer l’ensemble du réseau de distribution de Montpellier. Un simple chien tombé ou jeté dans un puits aurait pu suffire à provoquer une épidémie.
Dans le courant du 18ème siècle, les populations urbaines eurent de plus en plus de difficultés à trouver une juste alimentation en eau. Les sources, fontaines et autres moyens d’approvisionnement suffisaient à peine à fournir une eau d’une qualité médiocre, souvent souillée et polluée.
En effet, on eut tendance à installer à proximité de ces points d’approvisionnement des industries souvent assez dangereuses à l’image des tanneries. Ainsi à Montpellier, les bords du Verdanson étaient constellés de nombreux établissements de ce type qui y rejetaient, sans même sourciller, les eaux de trempage avec les tannins et autres scories.
Il devenait assez urgent de mettre la main sur des sources saines, non polluées, parfois éloignées des grands centres urbains de plusieurs de kilomètres. Depuis le 13ème siècle, d’après d’Aigrefeuille, le premier historien de la ville de Montpellier, il existait un fort ancien projet qui devait conduire les eaux de la Source de Saint-Clément au Peyrou. Cette source qui alimentait la Lironde, un affluent du Lez, était assez réputée pour sa pureté et il n’était pas rare en cas d’épidémies liées à l’utilisation d’eaux malsaines que les montpelliéraines viennent y prélever directement de quoi s’alimenter. Ce ne va être qu’au milieu du 18èmesiècle que ce projet va trouver une concrétisation et que la communauté des consuls de Montpellier vont délibérer de se lancer dans une si importante opération. Montpellier vivait sur ses héritages médiévaux peu en rapport avec l’évolution des besoins de sa population et au développement de son industrie.
Durant les 14ème et 15èmesiècles, de nombreuses tentatives de création d’un aqueduc furent lancées, encouragées par le Roi de France, Philippe V. Mais les entrepreneurs qui s’étaient engagés à amener l’eau dans la ville n’étaient pas même parvenus à effectuer les levés topographiques. Plus tard, au milieu du 15èmesiècle, pour favoriser ce projet nécessaire, le roi Charles VII permit aux consuls de lever un impôt de dix années pour enfin construire cet aqueduc. Mais il ne put à nouveau aboutir. Les calculs étaient trop complexes.
On se contenta en attendant d’aménager des sources proches de la ville, notamment la fameuse Font-Putanelle qui fut aménagée par Jacques Cœur en 1447 pour offrir à la population les moyens de son existence et de son activité. De nombreux distributeurs d’eau se développèrent. Les marchands d’eau, ou les possandiers, moyennant quelques pièces de fer se chargeaient de transporter l’eau au domicile des montpelliérains les plus aisés.
En 1673, le Conseil de la Ville engagea un ingénieur de Marseille du nom de Pascal d’étudier la faisabilité d’un aqueduc qui conduirait à Montpellier les eaux de la source de Saint-Clément. Mais ce n’est réellement qu’en 1712, que l’ingénieur de Clapiès démontra que ce projet était totalement réalisable.
Certes il était réalisable… Mais il ne pouvait pas être financé. Une nouvelle fois, la ville de Montpellier dut ajourner la réalisation de ce coûteux équipement. Les finances de la cité, fortement obérées par les exigences royales ne permit pas la concrétisation de ce vaste projet, pourtant si nécessaire.
Il fallut attendre le règne de Louis XV et la politique des grands travaux pour que ce projet soit à nouveau convoqué. Et c’est dans ce contexte, qu’en 1751, interviennent Henri Pitot et sa célèbre rigole Saint-Clément, ainsi qu’il l’appelait lui-même…

(A suivre : Henri Pitot et l'aqueduc Saint-Clément)

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